Récit du Trailwalker par Emmanuel Soncourt (Pas Lents de Talant)
Les équipes dijonnaises ont préparé ensemble ce trailwalker 2013
(entraînements, organisation de soirées de soutien, réunions, etc...).
C'est donc dans cette logique de solidarité que le blog des 4 Pièces du Puzzle diffuse ici le récit du trail par Emmanuel Soncourt, marcheur de l'équipe des Pas Lents de Talant. Un superbe texte qui montre que le mot solidarité prend aussi son sens dans la façon de vivre cette marche en interne, en lien permanent avec les autres groupes de marcheurs, pour une cause d'envergure internationale.
Oxfam Trailwalker – Avallon 25 et 26 mai 2013
Où quel est le rapport entre la solidarité internationale, une petite balade à pied de 100 km,
et une célèbre pâte à tartiner à base de noisettes et de chocolat…
Pour ceux qui auraient loupé une étape, rappelons que Marthe, Joachim (l’ami de Marthe), Kévin, Jean-Philippe (un voisin de Claire et Emmanuel) et Emmanuel ont constitué une équipe pour participer à l’Oxfam trailwalker, une marche de100 kmpar équipe de 4 (4 fois100 km, et pas 4 fois 25 !) dont le but est de collecter des fonds pour les actions de développement d’Oxfam. Vous noterez au passage que, à l’image de ce qui arrive chez les mousquetaires, il peut arriver qu’une équipe de 4 comporte 5 membres.
Nous arrivons à Avallon vendredi soir, accompagnés par Claire, et nous y retrouvons Michel. Tous deux vont assurer intendance et soutien psychologique indispensables pendant les 30 heures que va durer l’opération. Nous retrouvons également un certain nombre de membres d’autres équipes dijonnaises avec lesquelles nous avons organisé en commun des soirées de soutien et des marches d’entrainement. Nous avons prévu de dormir pour partie sous la tente et pour partie dans un camping car. L’humidité ambiante nous incite à nous serrer tous les 7 dans le camping car, qui en a vu d’autres, mais quand même…
Samedi matin, réveil à 5h30 pour prendre le petit déjeuner dans le gymnase d’Avallon. Imaginez une tablée de près de 800 marcheurs et 250 bénévoles, rassemblés par le même objectif. L’ambiance est joyeuse, et évoque pour Joachim celle de certains festivals auxquels il a participé avec son groupe de musique allemand. Le départ est donné à 7h. C’est un moment pour lequel on se prépare pour certains depuis presque un an, et pour lequel on s’est entrainé de manière (plus ou moins) intensive depuis plus de 3 mois. Le sentir si proche est presque irréel.
Nous partons sous un léger crachin, qui laissera place au cours de la journée à de belles éclaircies, entrecoupées de quelques giboulées. La température est de 3 ° sous abri (il a même neigé ce samedi matin dans la région de Dijon), mais complètement impossible à mesurer dans les cœurs.
Nous parcourons d’abord les rue d’Avallon, dans lesquelles nous saluons les quelques passants déjà réveillés, qui nous répondent en nous souhaitant bon courage. Puis nous quittons rapidement la ville, et après avoir traversé la vallée du cousin, nous nous enfonçons dans la campagne et la forêt morvandelles.
Après plusieurs semaines d’un arrosage quasi continu, la nature est d’un vert resplendissant, sources, rivières et ruisseaux coulent avec enthousiasme et abondance. Telle générosité est forcément communicative, et se répand assez largement sur les chemins. L’itinéraire nous gratifie de superbes paysages, aux couleurs sans cesse renouvelées par les changements de luminosité. Certains arbres aux bourgeons tout justes ouverts ont des feuilles aux couleurs encore ambrées, qui donnent parfois au spectacle une tonalité presque automnale.
Aux alentours du 40ème km, juste après une giboulée nous sommes gratifiés d’un superbe arc en ciel, en version intégrale et avec sa réplique, le tout sur fond de prairies et forêts. Instant magique. Tout au long du trajet, Emmanuel s’émerveillera d’être là, comme un gamin qui vient de recevoir un cadeau de Noël.
Vers 19 heures, petite pause émue devant le panneau « 50 km » qui marque la mi parcours. Nous l’attendions depuis longtemps. A partir de ce moment nous sommes plus proches de l’arrivée que du départ, et cela change tout !
Huit points de contrôle (PC) sont répartis le long du parcours. Outre l’enregistrement du passage des équipes, nous y trouvons de quoi nous restaurer et réconforter jambes et dos (70 kiné sont mobilisés pour le plus grand bien des marcheurs). Le PC de Lormes est le plus important, car il se trouve un peu après la mi parcours, point que la plupart des marcheurs atteignent dans la soirée. Il y est servi un repas chaud, et des lits de camps sont prévus pour ceux qui voudraient se reposer un peu.
Nous atteignons Lormes vers 21 heures, peu de temps après avoir traversé à gué une rivière qui inonde le chemin sur une bonne cinquantaine de mètres de long. Au premier abord, le PC tient à la fois du camp de réfugiés et de la base arrière d’une armée en campagne : lits de camps, personnes allongées à même le sol sous une couverture de survie, tables de soins,… Mais l’ambiance n’a rien de celle d’une catastrophe. Malgré les courbatures et les ampoules, la bonne humeur domine. Les équipes s’entraident en se prêtant huile de massage, élastoplaste, pansements à ampoules, sans aucun esprit de compétition. L’important est avant tout qu’un maximum de participants arrive au bout du parcours.
Quand nous repartons, la nuit est tombée depuis un bon moment. Une personne qui prend l’air devant sa porte interpelle Emmanuel et lui demande ce qui se passe. Après quelques explications, il s’exclame « Eh bien, vous êtes nombreux, si vous saviez tout ceux qui sont déjà passés ! ». Ce qu’il ne sait pas, c’est qu’il y en a encore autant derrière…
La date a été particulièrement bien choisie, car c’est la pleine lune. Le ciel s’est dégagé. Dès que l’état du chemin le permet, nous éteignons les frontales. Magique ! Alice et Pylou, des amis de Marthe, se sont joints à nous pour les deux étapes de nuit, pour nous encourager de leur présence. Claire a prévu des soupes maison (soupe de champignons de la cave, et soupe à l’oignon, de circonstance) qu’elle nous sert aux deux pauses nocturnes. Pendant cette nuit, le cap nous sera donné par la basilique de Vézelay, illuminée sur sa colline. Au lever du jour, c’est encore elle qui captera nos regards, émergeant au dessus d’une nappe de brume, semblant flotter sur un nuage. A l’heure où les gens normaux ( !) se lèvent le dimanche matin, Claire arrive à notre rencontre avec des pains au chocolat tout frais sortis de la boulangerie. Un peu plus tard, dans la traversée du village de Vaux de Lugny, deux petites filles proposent aux marcheurs un verre de thé à la menthe. Un petit geste qui colle bien avec le message de solidarité et d’entraide véhiculé par Oxfam.
Nous arrivons en vue d’Avallon vers 12h. Lorsque nous voyons le panneau « Arrivée à 1 km », c’est l’explosion de joie, les esprits se libèrent sans retenue. Nous finissons le dernier kilomètre sans nous en rendre compte, complètement euphoriques.
CA Y EST, NOUS SOMMES ARRIVES !
Ce qui paraissait complètement fou et impossible est devenu réalité grâce à l’énergie partagée et à la bonne humeur de tous : organisateurs, bénévoles, supporters, donateurs et marcheurs ! Même ceux qui n’étaient pas présents sur place ont pu nous soutenir de leurs mails, SMS ou message téléphoniques, parfois tard dans la nuit. Qu’ils en soient mille fois remerciés.
L’année prochaine, pour sûr, il y aura encore du monde sur les chemins du Morvan. L’événement est hautement addictif, et y toucher une fois expose au risque grave d’avoir envie d’y revenir. Certains ont des comptes à régler avec le mauvais sort qui les a empêchés de terminer. Jean-Philippe a été abordé par un de ses collègues, qui aurait envie de monter une équipe. Le cœur d’Emmanuel balance entre une nouvelle participation en tant que marcheur (mais cela est exigeant en préparation), ou revenir en tant que bénévole, à moins que le besoin de supporters ne se fasse sentir. Marthe de son côté rêve d’aller goûter aux trailwalker organisés par Oxfam dans d’autres pays : Japon, Nouvelle Zélande ?
Et la pâte à tartiner dans tout cela ? Et bien nous avons occupé une partie de nos heures de marche à essayer de qualifier la consistance et l’aspect du terrain sur lequel nous évoluions. Le Nutella s’est assez rapidement imposé pour la couleur et la consistance, fortement concurrencé par la mousse au chocolat (dont les chemins n’avaient cependant pas la légèreté). Le savon noir donne une image assez fidèle du glissant de certains passages. L’épaisseur de la tartine pouvait atteindre une bonne vingtaine de centimètres par endroits !
Pour la petite histoire, sachez enfin que Claire nous avait préparé une surprise pour fêter l’arrivée : une mousse au chocolat ! Ça en a fait rire quelques uns…
Emmanuel Soncourt
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